
Vision contemporaine et actualité sensée des mutations économiques et sociales en cours. De l’histoire de la (re)naissance d’un sixième sens, celui du collectif.
Il n’est rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens.
Aristote – La Métaphysique – IVe s. av. J.-C
La tragédie que nous traversons pousse clairement à la prise de conscience et de recul, à des réflexions métaphysiques, plus profondes que notre quotidien nous l’autorisait lors des jours d’avant. Le sens de nos vies, de nos organisations, de nos échanges. Non sans un certain contresens, le “bon sens” fait dire que la viralité du moment est une bonne chose, au sens de la capillarité positive entre les humains que l’on observe, au-delà les rancoeurs et les râleurs.
Parler du sens c’est en donner. Donner du sens nous ouvre les portes pour parvenir à définir ce que l’on est, ce que l’on fait.
Un, cinq ou six, de multiples sens ?
Le sens est, par définition, tout à la fois : Un signe linguistique, une direction, un ordre dans lequel se déplace un mobile. Une faculté à travers laquelle le monde extérieur est perçu, une appréhension ou aptitude naturelle, une faculté générale consciente, une compréhension intuitive de quelque chose.
Les plus connus des sens, au nombre de cinq, sont les facultés de l’organisme qui permettent de ressentir l’impression de choses extérieures. Aristote fut le tout premier à reconnaître la vue, l’odorat, le goût, l’ouïe et le toucher. Pour notre développement personnel et professionnel il est vital de faire appel à nos sens, et pas que ces cinq là.
D’autres sens physiologiques ont ainsi été déterminés ces dernières années par les scientifiques. Leur communauté dessine un consensus qui admet que quatre nouveaux sens, encore méconnus complètent les cinq sens d’Aristote : La nociception (connaître la douleur), la proprioception (savoir où se situent nos propres membres), l’équilibrioception (maintenir son équilibre), la thermoception (ressentir les températures).
La compréhension de nos aptitudes individuelles et collectives évolue et s’enrichit donc au fur et à mesure des observations et des analyses scientifiques.
L’exemple des neurosciences, ci-dessus présentées par Quentin Aoustin, prouve à quel point ces études scientifiques du système nerveux, tant du point de vue de sa structure que de son fonctionnement, depuis l’échelle moléculaire jusqu’au niveau des organes, comme le cerveau, voire de l’organisme tout entier, est central dans notre perception des actions, réactions et des intentions de chacun. Certaines applications des neurosciences cognitives peuvent être employées en économie, finance, marketing, droit et intelligence artificielle.
D’évidence, le bon sens, est une vertu salvatrice dans bien des situations que nous traversons. Le Président Emmanuel Macron ne fait-il pas appel “au bon sens des français” pour résoudre la crise sanitaire du Covid_19 ?
Au delà des potentiels individuels, il existe d’autres voies d’évolution et de réflexion, face aux enjeux qui nous attendent dès le début du déconfinement et d’un retour à la normale, normalement programmé comme un retour en arrière – alors qu’il s’agit en réalité de foncer dans un “retour vers le futur” réinventé ou pour le moins reconfiguré.
Le sens collectif, cette autre voie que la voie individuelle.
L‘intelligence collective, désignée comme la capacité d’une communauté à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun, résulte de la qualité des interactions entre ses composantes. Si l’on devait donner du concept d’intelligence collective une définition (en anglais Collective Intelligence ou CI), l’on pourrait citer le philosophe Pierre Lévy, qui le décrit comme : “une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences”

Cette forme d’intelligence appartient à ces concepts émergents du marketing qui proposent une nouvelle approche des énergies et réflexions de groupe, et qui permettent surtout d‘atteindre des objectifs plus grands. Cette approche pousse les collaborateurs à mobiliser leurs connaissances pour, entre autres, stimuler leur créativité et parvenir à des résultats toujours plus ambitieux. Le concept constitue en soi une révolution invisible car il nécessite l’implication de chacun dans des projets dont ils sont de véritables acteurs et contributeurs, grâce à une coordination optimisée.
Son fondement est la reconnaissance et l’enrichissement mutuel des personnes. L’un des principes les plus édifiants de cette intelligence est le postulat simple et incontestable : personne ne sait tout, tout le monde sait quelque chose. Cet idéal implique une valorisation technique, juridique, économique et surtout humaine d’une intelligence réévaluée, partout accessible qui crée une dynamique de recueil et d’échanges des savoirs multiples.
L’innovation est née de cette volonté d’échange mutuel. Elle a pris sa place dans un échiquier sclérosé, celui du diktat et de la pensée unique, et s’est muée en une activité légitimement reconnue, saine et nourricière de la vie économique et sociale de notre temps. Liée et fécondée par la culture et le savoir, elle démultiplie celle-ci et promet des lendemains fertiles.
Focus sur le design thinking, technique d’open innovation.
Comprendre l’autre pour mieux avancer ensemble est un des principes fondateurs du design thinking, ou en d’autres termes de la conception créative, de la démarche design ou encore de la pensée conceptuelle.
En quoi le design thinking puise-t-il dans les outils de créativité du designer pour mieux fédérer autour d’une co-conception ? Sa démarche se rapproche le plus près possible des attentes et besoins de l’utilisateur, alliant l’irrationnel – propre aux comportements, et le rationnel – propres aux actions à définir.
Quelle peut-être la différence avec les approches traditionnelles des méthodes marketing ? En se mettant à la place de l’utilisateur, les approches en design tendent à optimiser le parcours dans ce qu’il comporte d’usages, d’ergonomie, d’émotions et de fonctionnalités, dans le but de concevoir un nouveau produit, qu’il s’agisse d’un objet, d’un service, d’un espace ou d’un process.
Intégrer l’intelligence collective permet de modeler la perception de ’l’utilisateur’ à travers les contextes et objectifs, et grâce à l’empathie. Dans les démarches marketing, on tentera de mettre en place des actions commerciales, produits ou plan de communication correspondant aux envies détectées de la part de l’utilisateur qui sera ici une cible-consommateur ; dans les démarches digitales incluant l’UX design, la fameuse expérience que l’on fait vivre, ici, à une cible-utilisateur avant tout, via un parcours web, on tentera de créer un support digital optimisé au plus proche du rapport gain de temps / réception de l’information recherchée tout en faisant vivre une expérience nouvelle à l’utilisateur ; enfin, dans le management on tentera de comprendre au mieux ce qui motive l’utilisateur, dans ce cas précis un membre de l’équipe, pour mieux comprendre les attentes de chacun, et gouverner en aiguisant le sixième sens, le sens du groupe.
La manière dont l’intelligence collective peut se concrétiser sur le terrain, dans sa manière de comprendre les perceptions et les envies de chacun, dans le process opérationnel permettant de lier l’irrationalité à la rationalité, peut passer par le visual thinking. Cette méthode qui permet d’illustrer et de schématiser des échanges la plupart du temps théoriques et prévisionnels, s’imprègne des concepts psychologiques et sociologiques, que l’on peut retrouver dans la sémiologie, les bandes dessinées, les visuels publicitaires, le code de la route, l’iconographie, etc. Le visual thinking est un moyen qui permet à une discussion, une idée, de prendre forme, et ainsi de mieux visualiser les différents éléments permettant de prendre une décision collégiale. Ne dit-on pas qu’un dessin vaut mieux que mille mots !
Du “Cogito Ergo Sum” au “Scimus omnes”
Connaissons-nous nous tous ! Face à l’individualisme et au repli sur soi, face au populisme et aux simplifications décisionnelles, les complexités des enjeux à venir font résonner comme un écho évident la quête d’une pensée multi originelle et multidirectionnelle.
“Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.” Proverbe africain
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